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Le coût invisible des faillites : plus de 32 000 entreprises en difficulté au premier semestre 2025

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Publié le mardi 30 septembre 2025
Mis à jour le mardi 30 septembre 2025

En six mois, le nombre de procédures collectives a franchi un seuil symbolique, traduisant moins un accident conjoncturel qu’un nouvel état de vulnérabilité structurelle pour les entreprises françaises. La barre des 32 000 défaillances a été dépassée, dans un climat où la dynamique entrepreneuriale reste forte mais de plus en plus heurtée par les incertitudes économiques. La construction et l’immobilier paient le plus lourd tribut, tandis que quelques secteurs font preuve d’une relative résilience.


Un volume élevé et constant de défaillances

Le premier semestre 2025 s’est clos sur un constat implacable : 32 228 entreprises françaises ont été placées en procédure collective, soit une hausse de +14,5 % par rapport à la même période en 2024. Ce chiffre confirme une dynamique désormais ancrée : les défaillances ne relèvent plus de l’accident ponctuel, mais d’une réalité économique persistante.

Ce niveau élevé est d’autant plus préoccupant qu’il survient dans un contexte de forte dynamique entrepreneuriale : 322 544 créations d'entreprises ont été enregistrées au cours des six premiers mois de l’année, en évolution de 8,8 % sur un an.

Cette vitalité masque cependant une certaine fragilité du tissu économique, où nombre de jeunes structures ne parviennent pas à franchir le cap critique des premières années.


Construction et immobilier : les épicentres de la crise

Sans surprise, la construction reste l’un des secteurs les plus exposés, avec près de 3 324 ouvertures de procédures collectives au deuxième trimestre, représentant 21,3 % des entreprises en difficulté et plus de 8 800 emplois menacés (T2 2025).

Le secteur, asphyxié par la crise du logement neuf, la baisse du budget MaPrimeRénov’ et des perspectives d’investissement en berne, voit ses marges se réduire dangereusement.

Du côté de l’immobilier, le tableau est plus contrasté : 445 entreprises ont été placées en procédure collective au 2e trimestre, représentant 0,3 % des effectifs concernés. Mais, la baisse de l’âge moyen des entreprises en difficulté (9,5 ans contre 9,8 au T1) suggère une dégradation en amont : les entreprises immobilières touchées sont de plus en plus jeunes…


Des signaux d’alerte dans les services

Les services aux entreprises et le secteur du transport et entreposage affichent des signes préoccupants. Au deuxième trimestre, 1 882 sociétés de conseil et services aux entreprises ont fait l’objet d’une procédure collective, concentrant à elles seules 16,5 % des emplois menacés. Le secteur du transport n’est pas épargné avec 794 procédures recensées et près de 5 000 salariés concernés sur le T2.

Le secteur du commerce, traditionnellement en tension, confirme sa vulnérabilité : 3 351 procédures collectives au T2, menaçant près de 10 000 emplois. Déjà en tête au T1, le secteur reste sous pression constante.

Autre indicateur avancé des difficultés : les injonctions de payer ont quant à elles atteint 76 727 procédures.


Des poches de résistance

Malgré ce climat, certaines activités font preuve d’une meilleure résistance. Les activités agricoles, immobilières et financières enregistrent un volume de procédures relativement limité, avec des effectifs impactés plus restreints. L’agriculture, par exemple, ne représente que 166 défaillances au T2, pour 333 emplois concernés.

Autre signal positif : dans l’information et la communication, bien que les entreprises soient plus jeunes à l’entrée en difficulté (7,4 ans en moyenne), le nombre de défaillances reste contenu. Même tendance dans les activités financières, où la baisse de l’âge moyen semble indiquer une meilleure capacité d’adaptation face aux tensions économiques.


Un coût invisible pour l’économie

Derrière ces chiffres, ce sont 54 147 emplois directement menacés au deuxième trimestre 2025 : 21 498 ont été perdus suite à des liquidations, tandis que près de 30 000 ont été temporairement préservés grâce à des procédures de redressement ou de sauvegarde.

Mais, le coût des faillites va bien au-delà de l’emploi : elles génèrent des pertes fiscales, des défauts de paiement, et fragilisent l’ensemble de l’écosystème économique.

L’évolution des procédures souligne ce coût : près de 71 % sont des liquidations judiciaires, malgré la hausse notable des redressements (+26,6 %). Quant aux radiations d’entreprises, elles ont bondi de +80,4 % sur un an, atteignant 259 223 radiations sur le semestre – un chiffre gonflé en partie par les régularisations issues du guichet unique.

Si les chiffres de ce premier semestre dressent le tableau d’un tissu entrepreneurial sous tension, des leviers existent pour inverser la tendance. Face à cette fragilité croissante, les greffes des tribunaux de commerce renforcent leurs actions de prévention.
Au premier semestre 2025, 7 663 dossiers ont été instruits en amont, dont 1 477 entretiens spontanés. Les dispositifs de conciliation (1487 dossiers, +13,4 %) et les mandats ad hoc (1 193 dossiers, +1,5 %) témoignent d’un recours plus soutenu aux outils de redressement, avant que la situation ne devienne irréversible.

Ces démarches permettent parfois d’éviter une procédure collective, ou du moins d’en atténuer les conséquences. La hausse du nombre d’entreprises accompagnées confirme que cette culture de la prévention s’installe progressivement chez les dirigeants.

Autrement dit, la culture du rebond progresse – lentement, mais sûrement. Encore trop souvent perçue comme une fatalité, la faillite peut être anticipée, contournée, voire transformée en tremplin – à condition d’agir suffisamment tôt. Dans un environnement économique incertain, la capacité à détecter et à traiter les signaux faibles pourrait bien faire toute la différence entre stagnation et résilience.

 

Sources : Baromètre des entreprises T1 & T2 2025 + Campagne Stats s1 France (Infogreffe)