Sécurité des transactions : pourquoi l’état d’endettement devient incontournable ?
Un article Infogreffe x Les Echos Le Parisien Services
Certifié par les greffiers des tribunaux de commerce, l’état d’endettement offre une photographie précise et juridiquement opposable des inscriptions affectant une entreprise.
Longtemps réservé aux sociétés immatriculées au RCS, ce document est désormais accessible à toutes les entités disposant d’un numéro SIREN, élargissant considérablement son champ d’usage. Dans un contexte où la hausse des défaillances renforce la prudence des financeurs, il s’impose comme un instrument clé pour sécuriser les opérations, prévenir les risques et fiabiliser les transactions.
Un document essentiel pour mesurer la situation financière d’une entreprise
Délivré par le greffe compétent, l’état d’endettement compile l’ensemble des inscriptions portées au Registre des sûretés mobilières et autres opérations connexes, régi par les articles R521-1 et suivants du Code de commerce. À la différence d’un simple indicateur de solvabilité, il restitue l’ensemble des sûretés et des privilèges publiés à l’encontre d’une entité :
● nantissements, gages sans dépossession et privilèges,
● déclarations de créances en cas d’apport de fonds de commerce,
● inscriptions fiscales et sociales (Trésor, Sécurité sociale),
● contrats de location, opérations de crédit-bail, clauses de réserve de propriété,
● protêts, impayés et certificats de non-paiement,
● mesures d’inaliénabilité décidées par le tribunal en cas de procédure collective,
● warrants agricoles,
● hypothèques et saisies maritimes ou fluviales,
● mais aussi, le cas échéant, les arrêtés d’insalubrité, de mise en sécurité ou d’insécurité portant sur un fonds de commerce à des fins d’hébergement.
Au total, plus d’une quinzaine de catégories d’inscriptions peuvent ainsi apparaître.
L’ensemble constitue une cartographie des risques juridiques et financiers bien plus fine que celle issue des seuls états comptables.
Cet inventaire exhaustif permet d’apprécier plus fidèlement la capacité d’une entité à honorer ses engagements, de mesurer la consistance de son patrimoine et de repérer des signaux de risques souvent invisibles à partir des seuls états financiers. Pour les avocats, notaires, experts-comptables ou juristes d’affaires, il est devenu un prérequis systématique dans l’analyse du risque et la vérification préalable.
Un outil devenu central dans les transactions et les opérations de financement
Dans les opérations financières comme dans les transactions commerciales, l’état d’endettement est incontournable. Indicateur essentiel de la santé financière de l’entreprise, il constitue un réflexe dans les audits d’acquisition, les cessions de fonds de commerce ou les financements adossés à des garanties.
L’objectif : s’assurer qu’aucune inscription ne vient altérer la valeur des actifs transmis. Cette vigilance est particulièrement déterminante pour les équipements techniques souvent soumis à des nantissements ou à des contrats de crédit-bail. Pour les notaires, ce document sécurise la rédaction des actes authentiques et limite les contentieux liés à la découverte tardive d’une sûreté. À l’heure où les chaînes de financement se densifient, il s’impose comme un standard de due diligence.
Certaines inscriptions, parfois perçues comme accessoires, peuvent pourtant modifier en profondeur le périmètre et le calendrier d’une transaction. Pour un notaire ou un avocat, leur présence dans un état d’endettement réoriente immédiatement l’analyse d’une cession d’immeuble ou de fonds de commerce.
Depuis le décret n° 2023-369 du 11 mai 2023, les arrêtés d’insalubrité, de mise en sécurité ou d’insécurité relatifs aux immeubles d’hébergement doivent être publiés par les greffiers et inscrits au Registre des sûretés mobilières (RSM). Leur apparition dans un état d’endettement signale des contraintes administratives opposables : obligations de travaux, restrictions d’usage, voire interdiction temporaire d’exploitation. Dans les situations les plus sensibles, la responsabilité solidaire du propriétaire, de l’exploitant et de leurs cessionnaires successifs peut être engagée pour les mesures exécutées d’office ou les frais de relogement.
D’autres inscriptions ont des effets tout aussi concrets dans une transaction. Ainsi, un nantissement sur des équipements techniques peut empêcher leur transmission lors d’une cession de fonds de commerce ou nécessiter l’accord préalable du créancier. Dans certains dossiers, l’état d’endettement révèle également un nantissement sur le fonds de commerce lui-même, pris à l’occasion d’un financement antérieur. Même si le prêt a été remboursé, la sûreté peut n’avoir jamais été radiée : la banque conserve alors un droit de suite et un droit préférentiel sur le prix de vente. Le notaire doit obtenir une mainlevée ou une quittance subrogative avant tout transfert du fonds, ce qui modifie le calendrier, impose des démarches supplémentaires et peut conduire à renégocier les conditions de l’opération.
Une clause de réserve de propriété encore active bloque elle aussi juridiquement le transfert d’un matériel industriel, même si l’acquéreur en prend possession. Un protêt ou une saisie pénale visant un fonds de commerce alerte immédiatement les financeurs sur une situation potentiellement dégradée et peut conduire à un refus de financement. Enfin, un arrêté d’insalubrité publié révèle une obligation de travaux susceptible de transformer un actif rentable en source de charges imprévues.
En rendant visibles ces contraintes en amont, l’état d’endettement joue un rôle central dans la sécurisation des transactions. Il évite les découvertes tardives, fiabilise la rédaction des actes et limite les risques de contentieux, en particulier dans les opérations immobilières et les cessions de fonds de commerce à des fins d’hébergement.
Une extension majeure : l’accès aux entités non inscrites au RCS
2025 marque une évolution structurante avec l’ouverture progressive de l’état d’endettement aux entités disposant d’un SIREN mais non inscrites au RCS, par exemple les professions libérales, artisanales ou agricoles.
Après une première phase déployée en octobre dernier en format courrier, l’accès est désormais 100 % numérique, offrant :
● une consultation immédiate et authentifiée ;
● un périmètre élargi des entités analysables ;
● une chaîne de vérification cohérente pour les professionnels du droit et du chiffre.
Cette évolution répond à un enjeu d’ampleur : le parc des entités non inscrites au RCS représente près de 9,8 millions de structures, avec ou sans SIREN, selon l’analyse consolidée menée en amont du projet. L’ouverture du service permet donc d’intégrer progressivement une partie significative de ce tissu économique encore peu couvert par les outils de vérification classiques.
Une étape suivante est envisagée pour intégrer les entités dépourvues de SIREN, afin d’élargir encore le périmètre couvert.
Vers une normalisation de l’usage des états d’endettement dans la gestion du risque
Dans un environnement marqué par la multiplication des défaillances, l’accroissement de l’endettement des entreprises et les tensions économiques conjoncturelles, l’état d’endettement s’impose comme un outil indispensable.
Fiable, certifié et enrichi d’un périmètre élargi, il devient un standard pour sécuriser les relations d’affaires, anticiper les risques financiers et renforcer la transparence économique.
Son ouverture aux non-inscrits au RCS marque une évolution structurelle majeure, alignée sur l’objectif porté par les greffiers : garantir une information économique authentique au service de la sécurité juridique et de l’économie nationale.











